Katherine Frohlich, de l’École de santé publique; Véronique Dupéré, Sarah Fraser et Isabelle Archambault, de l’École de psychoéducation; et Nancy Beauregard, de l’École de relations industrielles.
CRÉDIT : STÉPHANE CANTIN
Que faites-vous de vos moments de loisir? Cette question posée à quatre adolescents de 15 à 17 ans de cultures et milieux différents a fait l’objet d’une production vidéo utilisant la réalité virtuelle afin d’explorer le jeu libre chez des jeunes issus de trois communautés: Dundee en Montérégie, la réserve de la nation attikamek à Wemotaci et Saint-Léonard à Montréal. Leurs récits révèlent que le jeu tient une place importante dans leur vie.
«L’idée était d’aller voir ces jeunes dans leurs milieux de vie et de les faire parler sur leur manière d’occuper leur temps libre», explique Katherine Frohlich, qui s’est rendue à Wemotaci rencontrer Mashtan Newashish. Le jeune Attikamek de 17 ans lui a montré deux endroits spéciaux, dont l’un lui rappelait ses ancêtres. «C’est là qu’il a décidé de faire une danse traditionnelle. Puis, au sommet d’une montagne surplombant son village, il a chanté une chanson que lui ont transmise les aînés. Ce sont des activités qu’il aime faire. Il nous a aussi montré où il joue au basket avec un ami. À son âge, il est difficile selon lui de trouver des amis avec qui faire des activités dehors. Les jeunes de son village sont plus intéressés par les activités à l’intérieur.»
«Jouer, c’est ce qu’ils font pour être bien», résume Katherine Frohlich, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal et cotitulaire de Myriagone ‒ Chaire McConnell-UdeM en mobilisation des connaissances jeunesse. Malgré leurs différences, ces adolescents se ressemblent à plusieurs égards, ajoute-t-elle. Ils ont tous un intérêt pour la musique et la danse et certains expriment aussi un goût du risque, affirmant avoir besoin d’adrénaline. «Ce ne sont pas des résultats scientifiques, tient à préciser Mme Frohlich. Il s’agit d’un projet pilote mené en collaboration avec le Wapikoni mobile, un organisme qui produit des vidéos pour et avec les Autochtones. Ce projet soutenu par le rectorat a fait appel à des jeunes, aux cotitulaires de la Chaire et à des membres du Laboratoire des récits du soi mobile, dirigé par le professeur Simon Harel.»
Soulignons que cette chaire a la particularité de compter cinq cotitulaires, toutes des femmes. Outre Katherine Frohlich, il s’agit d’Isabelle Archambault, de Véronique Dupéré et de Sarah Fraser, de l’École de psychoéducation, ainsi que de Nancy Beauregard, de l’École de relations industrielles.
Jeunes, technologie et synergie
Katherine Frohlich et Isabelle Archambault
CRÉDIT : BENJAMIN SÉROPIAN
«La vidéo réalisée au cours de l’été 2019 avec le Wapikoni mobile est l’un des nombreux projets sur lesquels on travaille, dit en entrevue Isabelle Archambault. On y donne la parole aux jeunes de différents milieux en explorant le jeu et en utilisant la technologie de la réalité augmentée.»
Dans le cadre de ce projet, Katherine Frohlich a visité la réserve du jeune Mashtan Newashish alors que Nancy Beauregard et Sarah Fraser sont allées à la rencontre d’une adolescente en milieu rural. Isabelle Archambault a pour sa part rencontré deux immigrantes d’origine haïtienne vivant à Montréal. «Le jeu chez les enfants a beaucoup été étudié par les chercheurs, mentionne-t-elle. Mais la vie ludique des adolescents demeure encore méconnue. Les jeunes utilisent beaucoup la technologie pour s’exprimer et on voulait voir ce que ça donnerait de recourir à la réalité augmentée pour leur permettre de s’exprimer.»
Tous les adolescents ont été filmés durant les entretiens et chacun y a présenté trois jeux auxquels il s’adonne. «Ils nous ont notamment parlé de leur rapport au temps libre et comment la notion du jeu évolue, indique Mme Frohlich. C’était un projet pour tester à la fois la technologie de la réalité augmentée et la synergie entre un organisme communautaire, les chercheurs et un organisme autochtone. Comment peut-on collaborer dans ce contexte de manière interdisciplinaire et avec des jeunes de milieux divers auprès desquels on travaille déjà respectivement chacun de son côté?»
La vidéo présentée au campus MIL à l’occasion du lancement de la Chaire le 15 novembre dernier a reçu de nombreux éloges. Ce type de projet est favorable pour créer un dispositif interactif qui soutient les organismes pour jeunes et assurer un arrimage des savoirs et nouer des relations durables entre les divers acteurs, selon Isabelle Archambault. «L’évènement en soi a connu un franc succès. Des représentants de plusieurs organismes présents au lancement ont déjà entamé des collaborations avec nos partenaires.»
Réduction des inégalités sociales
«Notre mission est de promouvoir le développement de tous les jeunes, dont ceux plus susceptibles de vivre des défis particuliers indépendamment de leurs milieux et caractéristiques. On songe par exemple aux jeunes en milieu défavorisé, aux immigrants, aux Autochtones ou encore à ceux à risque de décrocher. On mise aussi beaucoup sur la prévention.»
Une autre particularité de la Chaire est de mettre en lien des gens qui travaillent dans différents domaines et s’intéressent aux questions du développement des jeunes ainsi qu’à la promotion de leur plein potentiel. Cela se réalise à travers des activités d’échange avec les jeunes, mais également avec des acteurs de la communauté. «Nous avons établi un important réseau de partenaires avec lesquels nous collaborons pour différentes recherches», fait valoir Isabelle Archambault.
La Chaire est notamment associée à l’Institut du Nouveau Monde et à plusieurs organismes à but non lucratif, et vise la réduction des inégalités sociales. Il ne s’agit pas seulement d’étudier ces inégalités, comme le ferait un observatoire, mais bien de les réduire en travaillant de concert avec des intervenants de cinq secteurs spécifiques du développement et du bien-être des jeunes: l’éducation, l’emploi, la santé, les Autochtones et les nouveaux arrivants.
«Chacune des cinq cotitulaires est experte dans un de ces domaines de recherche», signale la professeure Frohlich. Elles ont en outre trois intérêts communs:
- la promotion de l’équité entre les jeunes issus de différents groupes sociaux;
- le rôle des milieux (communautaires, scolaires, de travail et résidentiels) pour favoriser le mieux-être et l’équité;
- la valorisation et l’application équitable des savoirs pour soutenir l’inclusion des jeunes dans toutes les sphères de la société.
Rappelons que Myriagone, l’une des trois nouvelles chaires McConnell de l’Université de Montréal créées en 2019, est associée à trois départements et deux centres de recherche de l’UdeM, soit le Centre de recherche en santé publique du Québec et le Centre interdisciplinaire de recherche sur le cerveau et l’apprentissage.